jeudi 17 janvier 2013

On est tous un peu un Neil Humphreys...

Suite à l'article d'Active Mummy disant qu'elle a lu Neil Humphreys en long en large, commenté à son tour par d'autres blogueuses indiquant que c'est le livre à lire en arrivant à Singapour, je me suis ruée à la première librairie en me disant que je ne pouvais pas rester avec une telle lacune!



Neil Humphreys, est un anglais qui est arrivé en 1996 à Singapour et il raconte dans ses livres son expérience singapourienne.
Le premier volume "Notes From an Even Smaller Island" raconte son arrivée et sa vision du "choc culturel". Le dernier volume, sorti très récemment (juin 2012), raconte son retour à Singapour après quelques années en Australie (me semble-t-il). C'est simple c'est un des best sellers singapouriens.

CQFD: il va falloir que vous le lisiez, au même titre que la Biographie de Lee Kuan Yew, le célèbre leader singapourien, celui qui a fait que Singapour est aujourd'hui Singapour. Et autant Neil Humphreys, vous ne pourrez le lire qu'en anglais, autant, il est important de souligner qu'il y a une édition française de la Biographie de Lee Kuan Yew (ouf!), pour laquelle apparemment il faudra commencer par le second tome.

Mais en attendant que vous le lisiez, si vous voulez en parler, je suis sympa, je vous fais un petit pitch pour les soirées mondaines.

Déjà, première chose, Neil Humphreys est un humoriste anglais, donc ça se lit relativement facilement et ça vous fera même sourire. Ne vous attendez pas à de la grande littérature, c'est vraiment purement de la détente (avec quand même quelques réflexions sympathiques). Mais par contre, si vous lisez le livre avant de venir à Singapour, il vous décrira bien ce que vous allez vivre, et pour moi qui y suis depuis quand même quelques temps maintenant, ça me fait du bien de me replonger un peu dans le "vécu singapourien".

On est tous un peu Neil Humphreys, parce que comme lui, quand on a su qu'on arrivait à Singapour on a regardé une carte pour situer où ça pouvait bien être. Comme lui, en arrivant on a pas pu s'empêcher d'être épaté par l'aéroport, son efficacité, la propreté de la ville. D'ailleurs, même en 1957 sur cette vidéo, ça donnait déjà cette impression:



On a tous tenté d'expliquer désespèrement à un chauffeur de taxi où on voulait aller (et ce passage est particulièrement drôle raconté par Neil Humphreys). Comme lui, la première pluie nous a fait l'effet d'une tornade, les premières nuits on s'est fait dévorés par les moustiques ("they only bite tourists!"), on est interpellé par les aunties et uncles qui travaillent sans relâche (et il rappelle leur rôle dans le développement de Singapour) et plus largement par le niveau de vie moyen singapourien très élevé qui pourtant a laissé de côté une partie de la population, ces aunties et uncles. Nous avons aussi été frappés par le dogme de l'harmonie raciale qui semble à première vue parfait, alors qu'il ne s'agit que d'une façade (lire mon article ici), et aussi par celui de la solidarité inter-générationnelle (notion de "filial piety"), qui a aussi sa face noire. Comme lui, on ira de découvertes en découvertes culinaires entre la cuisine malaise, indienne, indonésienne, chinoise... On lira avec plaisir et l'eau à la bouche sa description des quelques plats qu'il faut gouter (les satay, les nasi padang, les beef redang, les roti pratas,  fish head curry, char siew, old chicken curry, ginger beef, chicken rice...). Je préfère aussi le food court de la Longhouse, de Shunfu ou de Bukit Timah Plaza (qui sont pour moi les trois meilleurs que je connaisse), plutôt que les Kopitian bien trop proprets...
Comme lui, on a beaucoup parlé de la pression de l'école ou plutôt des parents, et le résultat final, le manque de compétences sociales des étudiants, et la pression pour rejoindre des métiers "sûrs" comme la banque plutôt que des métiers artistiques: "un bon singapourien est un singapourien productif"...  On a également lu la fameuse étude qui décrit les singapouriens comme "malheureux", lui parle d'insatisfaction chronique, car oui, l'argent ne fait pas tout.
Comme lui, on ne sait quoi choisir entre nos pays européens libres et décomplexés, mais qui vivent dans l'insécurité, et ce pays qui nous semble bien trop autoritaire, voir didactorial, homophobe, raciste parfois, porté sur l'argent et la culture du "fric" mais pourtant où tout est propre, sûr, efficace et avec des valeurs morales, et surtout où on se sent libérés des contraintes du quotidien. Au final, quelles interdictions nous pèsent au quotidien? 
Il nous tiendra en haleine sur le récit de ses ballades dans la réserve de Bukit Timah et de la réserve de Sungei Buloh et surtout quand il nous racontera comment il s'y est perdu.... On rira de ses mésaventures à propos de la réception d'une cassette vidéo (et je retiendrais de ne pas faire importer de films à Singapour même si je pense que les contrôles ont changés depuis et que la censure ne s'applique pas de la même manière, même si elle existe toujours! )
Comme lui, je ne vis pas (plus) en condo, et j'aime me pénétrer de la culture locale, dans un quartier assez proche de celui où il vivait, et parfois je me sens loin de mes compatriotes expatriés, même si en 2013 on est de plus en plus en contrats locaux sérieusement implantés dans le tissu local. Comme lui, je joue au jeu de trouver un comparse blanc au food court ("Spot the white guy") et je n'en vois pas. J'ai quelques défauts par rapport à lui, mes enfants vont en école internationale et fréquentent en effet des enfants de riches blancs, et parfois j'ai du mal à leur faire comprendre que ce n'est pas la vraie vie.
Mais comme lui, j'aime quand Singapour est authentique, quand mes amis me font découvrir le meilleur chicken-rice, ou des kuehs, j'aime moins quand les singapouriens s'entichent de la culture "western" (comprendre occidentale... voire américaine)... et comme lui, je milite auprès de mes amis qui ne connaissent que le côté superficiel de Singapour, pour dire que oui, il y a largement assez de choses à faire ici, et que je suis encore loin d'avoir fait le tour...

Vous aurez enfin, en lisant ce livre du vocabulaire local, vous pourrez utiliser le mot Kiasu pour définir à peu près tous les tics singapouriens, et vous vous qualifierez d'Ang Moh (homme roux et par extension, l'occidental)... et du coup, vous sourirez en pensant que l'école française se situe sur Ang Moh Kio (le quartier des blancs si on traduit!)

J'ai noté qu'il faudrait que j'essaie de voir quelques films locaux "Money no enough" , "12 storeys", "Army daze", et que je m'intéresse à des acteurs comme Liang Po Po, Jack Neo, Gurmit Singh, et Phua Chu Kang.

Bref, j'ai mis deux mois à le lire, car j'ai une vie personnelle qui me permet rarement de me poser dans un fauteuil en lisant (ah vivement que je puisse lire dans le métro!). C'est loin d'être de la grande culture, mais ça peut être plutôt détendant et en tous cas une bonne lecture à conseiller à ceux qui arrivent (et bonne nouvelle vous pouvez le commandez via le site de la Fnac!), ou à ceux qui prennent le métro... (et du coup je crée pour l'occasion le libellé pack primo-arrivant pour tout ceux qui veulent avoir leur kit de survie en arrivant)

Prix du livre (de mémoire) 15$ 
(que j'accepte volontiers de prêter)


3 commentaires:

  1. Et films incontournables pour moi : 881 sur le wayang opera ; the blue mansion pour un polar au goût exotique ; a great great world pour la nostalgie... Rental also can !

    RépondreSupprimer
  2. Que conseillez-vous? Par quel ouvrage de Neil commencer? Les trois tomes se valent-ils?

    Vincent

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour tout dire Vincent, je n'ai lu que le premier :)
      J'aime bien faire les choses dans l'ordre!
      Si tu es à Singapour depuis un moment, il ne t'apprendra rien je pense, mais bon après il y a le plaisir de lire...
      Je suis assez tentée par le dernier, qui est sa vision après quelques temps en Australie... Pour l'instant je suis dans tout à fait autre chose, et j'ai en réserve un tome énorme du Trône de Fer, et ensuite j'aimerais m'attaquer au 2e tome de la biographie de Lee Kuan Yew.... Du coup... si j'ai pas de boulot dans les mois qui viennent (et donc pas de trajet de métro réguliers en solo), il y a peu de chances que je puisse te dire si il vaut mieux passer au 4ème direct :)
      Mais... Active Mummy semble très bien les connaître :)

      Supprimer