samedi 10 janvier 2015

#jesuisfrançaise

Parce que ce jour là j'ai pensé à mes amis...


Ce 7 janvier, les premières choses qui me sont venues à l'esprit c'est nos réflexions d'expatriés il y a quelques mois dans un pays dictatorial où il fait bon vivre...

En fait ça faisait plusieurs semaines que je voulais écrire un article sur en quoi je me sentais française... Les événements ont très peu changés le contenu au final....

Parce que oui... Ce que m'a rappelé ce fameux attentat c'est pas que j'étais Charlie ou pas... C'est que p*t%in ces valeurs là c'est les miennes...

Singapour, dictature sympathique. On y vit bien, même quand on est un dictateur d'ailleurs, puisque c'est là qu'ils viennent se soigner... On y vit bien si tant est qu'on respecte les règles...
On y vit bien si on oublie qu'il y a la censure et pas de liberté d'expression... On y vit bien, si on ne se pose pas trop de questions pour savoir pourquoi il fallait montrer son passeport à l'Ambassade ce vendredi à 19h pour venir faire la minute de silence... Parce que oui les rassemblements, même pacifistes sont interdits... On y vit bien si on oublie qu'on sait qu'à chaque moment on est filmé et que grâce à nos pass (cartes d'identités singapouriennes), nous sommes référencés dans tous les actes de notre vie quotidienne. Ah c'est sûr... A Singapour, si tant est qu'on peut avoir une arme (déjà là c'est pas gagné), il est certain qu'on peut pas s'échapper après avoir commis son crime...

Lors de mes premiers jours à Singapour, les chauffeurs de taxis me parlait de la France "ce pays où vous n'aimez pas les voiles", dur d'expliquer l'inexplicable.... Car là-bas en effet, toutes les religions se côtoient, de manière ostensible, et ça ne dérange personne qu'au bureau de poste l'agent d'accueil soit voilée, que ton chauffeur de taxi fasse du prosélytisme catholique dans son véhicule et te dise quand tu descends que Dieu te bénisse, que dans la rue les voisins chinois brûlent de drôles de papiers pour chasser les fantômes, et que les indiens se retrouvent avec de drôles instruments de tortures en pleine ville dans un état de transe étrange.... Toutes les religions cohabitent.... et maintenant je m'en rends compte... jamais dans les extrêmes... 

A Singapour, pays le plus sûr au monde, je rentrais en chantonnant et en mini-jupe de soirées à des heures indues... Il m'est arrivé en partant à minuit de mon cours de Yoga de dire à S., je rentre à pied (1h de marche dans des quartiers peu fréquentés)... et de ne risquer rien.... Le bonheur de la peine de mort, d'une société où rien n'est autorisé... Il m'est souvent arrivé de dire qu'en fait je vivais bien cette société dictatoriale car dans ma vie quotidienne je me sentais libre. Libre de ne pas me faire voler mon sac si je l'oublie, de pouvoir laisser trainer un portable sur une table d'un bar, de pouvoir mettre une mini-jupe sans me faire tripoter dans le métro, de pouvoir rentrer tard, seule, ... Oui libre... si je respecte ses règles.... Je me souviens aussi m'être dit qu'une société sans ces libertés que j'aime (celle de pouvoir critiquer, m'exprimer, contester, même de mauvaise foi...) au final c'était quand même un peu aseptisé... D'ailleurs, qu'est-ce qui motive les conversations au quotidien? On ne peut pas vraiment s'engueuler sur les religions ou sur la politique (ah pardon, lors des dernières élections quelques langues ont commencé à se délier et l'opposition a mené - un peu - campagne... jusqu'à présent l'opposition était muette... ou du moins rendue muette), alors on parle de fric, on parle de bouffe, on parle de shopping... On perd son esprit critique très vite....


Je me souviens du scandale Amy Leong, cette singapourienne qui avait ouvertement critiqué les mariages pas chers faits aux pieds des HdB par certaines communautés... Amy Leong a perdu son job, a été à la une des journaux pendant 3 jours, et a dû faire des excuses publiques pour avoir égratigné l'apparente image du "one people, one nation" singapourien.
Je me souviens de la vague de protestation des ouvriers du bâtiment.... Vague.... enfin des quelques qui ont osé dénoncé leurs conditions de travail... Je me souviens de la répression qu'il y a eu après les émeutes à Little India....
C'est ça une dictature.... 
Alors j'ai lu sur les réseaux sociaux singapouriens, des singapouriens dire "ça ne serait pas arrivé chez nous"... Oui, ça n'arriverait pas... Parce qu'il y a la censure.... Parce que la société serait dans l'impossibilité d'aller jusque là... Mais est-ce souhaitable?

Caricature Singapourienne



Alors ce 7 janvier, ce qui m'a fait mal c'est de me rendre compte que certains redécouvraient comme c'est précieux la liberté d'expression... 
Alors j'ai pas vraiment envie de limiter mes hashtags à #jesuischarlie....
Parce que ce jour là j'ai pensé à tous ces gens qui sont morts.... Une mort c'est toujours de trop.... Que ce soit les policiers, l'agent d'entretien, l'agent d'accueil, des personnes venues faire leurs courses et bien-sûr des journalistes/dessinateurs/humoristes. Rien ne vaut de mourir, et même si c'est pour rappeler à 66 millions de français que oui la France c'est le pays des droits de l'Homme, que c'est le pays du Vivre Ensemble,...

Parce que je me suis souvenue que Cabu j'ai grandit enfant avec... comme toute la génération Club Dorothée....
Parce que Wolinski, c'était une des premières BD que j'ai acheté....
Parce que j'ai des amis dessinateurs, artistes de tous ordres et que je ne veux surtout pas qu'ils se taisent.
Parce que celui que j'aime est policier et que je ne pourrais pas supporter que ce soit lui qui ce soit trouvé là....

A ce titre #jesuischarlie, mais #jesuispolicier, #jesuismusulmane, #jesuisjuive, #jesuiselsa, #jesuisfrederic, #jesuisahmed, #jesuismustapha, #jesuisfranck, #jesuismichel, #jesuishonoré, #jesuisbernard, #jesuistignous, #jesuischarb, #jesuiswolinski, #jesuiscabu, #jesuisles4otages, #jesuisclarissa.... parce que je suis française....

Parce que oui je ne comprends pas que des armes de guerre soit dans les mains de fanatiques (ou dans des mains de non-militaires, voir mon côté antimilitariste dirait dans des mains tout court d'ailleurs), parce que oui je ne comprends pas qu'on tue (et surtout des innocents) au nom de quelque idées que ce soit (même les plus louables), parce que oui on ne s'attaque pas à un journal ou à des artistes car c'est ce qui nous construit, qu'on approuve ou pas leurs idées, leur façon de rire, leur humour grinçant....  Parce que toi, moi et les autres, personne ne mérite de mourir.... Et parce que au final mourir c'est toujours perdu, c'est toujours trop bête, c'est toujours trop tôt, c'est toujours un peu pour rien... Parce que ces 17 personnes ne sont plus là, et qu'elles ont rien demandés, et que leurs proches vont souffrir longtemps de leur absence, et parce que oui je ne rirais plus devant un nouveau dessin de Wolinski (ou des autres)....

C'est trop précieux la liberté... surtout quand on a vécu sans....
C'est trop précieux la vie... surtout quand on sait quel prix ça a...


#jesuisfrançaise et fière de ces valeurs...
J'ai un peu mal de me dire qu'il faut de tels événements pour que l'on sursaute et que l'on veuille les défendre....
Nous sommes un seul peuple, une seule personne, une seule nation.... différemment, dans la variété, dans la révolte, dans nos coups de gueule..... 

Nb: tous les hyperliens sont des vieux articles de réflexions sur des sujets connexes... 

Et un autre texte:
http://tailspin.fr/post/107696839163/pour-mes-eleves-de-seine-saint-denis
https://singapouraupluriel.wordpress.com/2015/01/14/charlie-a-singapour/
Illustré:
http://eveensonjolijardin.com/apres-charlie/

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